Clôturé le 12 décembre dernier à Lomé, le 9ᵉ Congrès panafricain n’a pas marqué un simple point final, mais plutôt l’amorce d’une nouvelle dynamique pour le continent.
Plus qu’un rendez-vous de mémoire ou de discours, cette rencontre s’est imposée comme un moment de clarification stratégique sur l’avenir du panafricanisme.
Dans un entretien accordé à Republicoftogo.com, le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, revient sur la portée de la déclaration finale et sur les orientations majeures issues des travaux. Réformes du système multilatéral, justice réparatrice, unité Afrique–diaspora, souveraineté économique et ambition diplomatique du Togo : les lignes directrices d’un panafricanisme opérationnel y sont clairement tracées.
Un panafricanisme tourné vers les résultats
Pour Robert Dussey, le message central du Congrès est sans équivoque : le panafricanisme entre dans une phase nouvelle. Il ne s’agit plus seulement de prise de conscience ou de célébration historique, mais d’une volonté affirmée de produire des effets concrets. La déclaration adoptée à Lomé entend faire du panafricanisme un véritable instrument d’influence diplomatique, politique, culturelle et économique, capable de peser sur l’ordre mondial.
Réformer un système international jugé obsolète
Le Congrès dresse un constat sévère de l’architecture multilatérale issue de l’après-Seconde Guerre mondiale. Selon le chef de la diplomatie togolaise, ce système continue de marginaliser l’Afrique, en décalage avec son poids démographique et géopolitique actuel. D’où l’appel pressant à des réformes profondes pour instaurer un ordre mondial plus juste et plus représentatif, en cohérence avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
L’unité Afrique–diaspora comme impératif stratégique
La déclaration finale insiste sur la nécessité pour l’Afrique et sa diaspora de parler d’une seule voix. Inspirée par des valeurs endogènes telles que la philosophie Ubuntu, cette unité est perçue comme une condition essentielle pour faire face aux défis globaux — qu’ils soient sanitaires, climatiques, sécuritaires ou économiques. Aucun État africain, souligne Robert Dussey, ne peut désormais agir seul efficacement.
Justice réparatrice et reconnaissance des crimes historiques
La question des réparations occupe une place centrale dans les conclusions du Congrès. Esclavage, traite négrière, colonisation, apartheid et pillages sont explicitement reconnus comme des crimes exigeant excuses officielles et mécanismes de réparation conformes au droit international. Le Congrès soutient les démarches conjointes de l’Union africaine et de la CARICOM et préconise la création d’un Observatoire panafricain de la justice réparatrice et de la lutte contre le racisme.
Combattre les discriminations contemporaines
Au-delà des injustices du passé, les participants ont également attiré l’attention sur les formes modernes de racisme, notamment celles véhiculées par les technologies numériques et les algorithmes. Pour Robert Dussey, cette réalité impose une lutte globale, adaptée aux enjeux du XXIᵉ siècle.
Réforme des institutions internationales
Parmi les revendications majeures figure la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, avec l’application du Consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte. L’Afrique réclame deux sièges permanents avec droit de veto et cinq sièges non permanents. Le Congrès appelle aussi à un mécanisme permanent de coordination diplomatique africaine et au renforcement des alliances avec les Caraïbes, l’Amérique latine et les pays du Sud.
Décoloniser les savoirs et les imaginaires
La « décolonisation de l’esprit » constitue un autre pilier de la déclaration. Elle passe par la refonte des systèmes éducatifs, la promotion de curricula afrocentriques, la valorisation des langues africaines et la correction des récits hérités de la colonisation. La restitution des biens culturels est également présentée comme un enjeu majeur de souveraineté et de reconstruction mémorielle.
Pour une souveraineté économique africaine
Le Congrès plaide enfin pour un développement autocentré, fondé sur la mobilisation des ressources internes et de l’épargne de la diaspora. Parmi les pistes évoquées figurent une taxe de solidarité panafricaine, la création d’agences africaines de notation, la transformation locale des matières premières et même une bourse africaine des matières premières. L’objectif : réduire la dépendance extérieure et renforcer la résilience économique du continent.
Le Togo en chef d’orchestre du suivi
Pays hôte du Congrès, le Togo s’est vu confier un rôle clé dans le suivi des recommandations, en coordination avec l’Union africaine. La mise en place d’un comité de suivi, la création d’un bureau permanent du Congrès et la promotion d’une Journée panafricaine de mémoire figurent parmi les actions envisagées.
Soutenu par le président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, ce panafricanisme se veut pragmatique, orienté vers la stabilité et les résultats. Pour Robert Dussey, l’ambition est claire : faire du panafricanisme non plus un symbole, mais un processus structuré et durable au service de l’Afrique et de sa diaspora.





