Lomé confirme son statut de plateforme africaine de réflexion stratégique et de médiation au service de la paix. Après avoir accueilli en octobre 2025 la deuxième édition du Lomé Peace & Security Forum, la capitale togolaise s’impose comme un lieu de dialogue où décideurs, experts, chercheurs et acteurs civils repensent collectivement les réponses africaines face aux crises multidimensionnelles : sécurité, économie, climat et gouvernance.
Sous l’impulsion du Président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, l’édition 2025 a marqué un tournant en mettant l’accent sur la prévention, la diplomatie de proximité et la résilience collective. Dans cet entretien exclusif, le ministre togolais des Affaires étrangères, Professeur Robert Dussey, revient sur les actions envisagées, les priorités du continent et les perspectives liées aux recommandations issues du Forum
Quelles actions concrètes permettront de transformer les engagements politiques du Forum en initiatives durables au niveau régional ?
Nous en sommes à la deuxième édition, et celle-ci a été marquée par une participation particulièrement riche : chercheurs, responsables politiques, experts et partenaires venus de tous les continents. Mais il faut être clair : les résultats attendus du Forum ne sont pas destinés au Togo seul. L’objectif, tel que souhaité par le Président du Conseil, Son Excellence Faure Gnassingbé, est que Lomé serve de laboratoire d’idées pour le continent.
Les propositions formulées ici doivent alimenter la réflexion de la Commission de l’Union africaine. Toutefois, aucune solution ne peut être portée isolément. Le Togo fait partie d’une communauté régionale – la CEDEAO – et c’est ensemble, avec l’Union africaine, que ces recommandations peuvent prendre sens.
Il s’agit d’une vision africaine, voire panafricaine. Elle doit être assumée et portée d’abord par les institutions africaines, en tête l’Union africaine, puis par les organisations
Quelles sont les priorités pour rendre ces recommandations opérationnelles sur le terrain ?
Les défis africains sont multiples. On évoque la paix et la sécurité, mais pour moi, la première priorité est un changement de paradigme : les Africains doivent repenser leur propre rapport au développement, à la sécurité, à l’action collective.
Ensuite viennent les questions essentielles : l’éducation, la santé, la formation, la capacité autonome de défense.
Nous pouvons élaborer toutes les stratégies sécuritaires possibles, mais si les Africains ne sont pas convaincus de leur responsabilité première dans la défense de leur continent, rien n’avancera. Nous vivons dans un monde où chaque puissance défend d’abord ses intérêts. L’Afrique doit en faire autant.
Assurer sa sécurité est un devoir africain, un exercice de souveraineté qui doit être assumé par les Africains eux-mêmes.
Après deux éditions, quel bilan tirez-vous du Forum en termes d’impact et de mobilisation ?
Cette deuxième édition représente un progrès notable par rapport à la première : davantage de participants, des échanges plus denses, des analyses plus profondes.
Notre préoccupation, désormais, est l’après-Forum : Comment l’Union africaine s’appropriera-t-elle ces recommandations ?
Comment les partager avec les communautés économiques régionales – CEDEAO, CAE, SADC, etc. ?
Comment les relayer auprès des centres de recherche, des organisations spécialisées, des acteurs africains engagés dans la réflexion stratégique ?
L’Afrique compte 54 pays ; c’est un continent, pas un État. La mise en œuvre doit donc être collective et coordonnée.
Les débats ont également mis en lumière des enjeux majeurs, notamment l’intelligence artificielle. Le monde s’organise – États-Unis, Chine, Europe – mais l’Afrique reste en retrait. Or, on ne peut parler d’IA sans parler d’énergie. Pour maîtriser ces technologies, il faut d’abord une autonomie énergétique, un secteur encore fragile dans de nombreux pays africains.
Les défis sont donc vastes : technologie, science, éducation, santé, industrie pharmaceutique, recherche… L’Afrique doit rattraper son retard pour assurer sa souveraineté dans tous ces domaines.
Comment faire du Togo – et de l’Afrique – un acteur stratégique de stabilité mondiale dans la prochaine décennie ?
L’Afrique est déjà un acteur stratégique, mais les Africains ne semblent pas en avoir pleinement conscience. Trop souvent, ils laissent d’autres décider à leur place. L’un des objectifs du Lomé Peace & Security Forum est justement de favoriser cette prise de conscience.
Le continent dispose de toutes les ressources – humaines, naturelles, culturelles – pour peser dans l’histoire universelle. Il doit désormais décider par lui-même, selon ses propres priorités, ses propres intérêts.
L’enjeu est simple :
que les Africains comprennent ce que représente l’Afrique dans le monde et qu’ils assument leur capacité à écrire leur propre histoire.
Source: avec Auxnouvelles

