Le système éducatif togolais se trouve à la croisée des chemins. A l’image de nombreux pays africains, il est soumis à une pression démographique croissante générant un décuplement de la demande en infrastructures, en personnel éducatif et en ressources pédagogiques.
Conscient de cette réalité, le gouvernement mène une politique volontariste d’expansion et d’équité éducative : création d’établissements, recrutement d’enseignants, construction et réhabilitation de bâtiments scolaires, dotation en manuels scolaires et équipements pédagogiques. Toutefois, ces réalisations quoique louables, demeurent toujours insuffisantes devant l’ampleur des besoins.
Des besoins immenses pour une offre en deçà
La création d’écoles nouvelles, bien que traduisant une volonté politique indéniable, se heurte à des limites structurelles. Les conditions d’accueil, souvent précaires et les longues distances imposées aux élèves, parfois agés de moins de 11 ans, posent un véritable problème de sécurité et de décrochage. Les filles sont encore plus frappées par cette situation, premières victimes de l’abandon, exposées aux mariages précoces, aux violences et aux pressions socioculturelles.
Par ailleurs, l’extrême jeunesse de certains admis au BEPC (11-13 ans) illustre les contradictions du système : trop jeune pour assumer l’exigence du secondaire, ces élèves sont contraints à une mobilité coûteuse et déstabilisante, synonyme de charges supplémentaires pour les familles et de risques accrus pour leur épanouissement.
La jeune fille, victime principale du paradoxe éducatif
L’éloignement des établissements secondaires condamne encore trop souvent les filles à l’abandon. Confrontées à la longueur des trajets, à l’insécurité sur les pistes et aux pesanteurs sociales, beaucoup sont retirées de l’école par les familles brandissant le prétexte de la « protection ». Cette tragique réalité qui exacerbe les inégalités de genre, annihile les effets des politiques de promotion de la jeune fille et accentue le contraste entre le discours politique et le vécu dans les communautés.
Gouverner, c’est aussi agir maintenant et sur le réel
Le dilemme est patent : faut-il attendre l’école idéale ou privilégier les alternatives qui répondent à la demande éducative actuelle avec une logique d’efficience ?
Reporter l’action, au prétexte d’une hypothétique quête de perfection, revient à sacrifier des générations entières et creuser irrémédiablement les fractures sociales. Gouverner ne consiste pas à idéaliser tout en demeurant passif mais c’est l’art d’arbitrer et d’agir au présent pour offrir un avenir.
Il appartient donc à l’Etat, d’agir sans délai, pour garantir les conditions minimales d’une éducation de qualité : bâtiments scolaires en matériaux provisoires, équipements minimaux, accès aux manuels, adaptation des horaires aux contraintes locales, allègement et modernisation des programmes, appui à l’excellence. Toutefois, ces initiatives pour être acceptables doivent s’inscrire dans une vision constructive, une logique d’amélioration et de consolidation progressives. Ne rien entreprendre en miroitant un idéal inatteignable, c’est accélérer le délitement de notre système scolaire.
Une réponse gouvernementale qui doit s’amplifier
Sous l’impulsion du gouvernement, des mesures notables sont certes en cours : recrutement massif d’enseignants (près de 5000 cette année), distribution de manuels, extension des cantines scolaires, lancement d’un programme ambitieux de construction de 15 salles de classe supplémentaires. Ces initiatives certes salutaires, ne constituent, à la vérité, que le premier palier de la réponse au besoin éducatif.
Une réponse durable, en effet, commande une approche systémique, graduelle et intégrée : rapprocher les écoles des communautés, instaurer des dispositifs sécurisés pour la mobilité des apprenants, créer un cadre scolaire moins révulsant, ceci en tenant compte des réalités locales.
Somme toute, la volonté politique est certes manifeste, mais elle doit se traduire par des choix audacieux, assumés et concrétisés. L’avenir de notre Patrie dépend de la capacité à offrir à chaque enfant, sans distinction aucune, une éducation accessible, sûre et de qualité.
L’éducation des enfants togolais n’est pas un luxe différable, mais une urgence nationale, un devoir moral et un impératif de gouvernance.