Le Tribunal de première instance d’Atakpamé, chef-lieu de la région des Plateaux, a rendu son verdict, le mercredi 15 octobre 2025, dans une affaire de trafic de produits fauniques.
Trois individus — A. Salam, H. Soulemane et A. Djerilou — ont été reconnus coupables de détention, de circulation et de tentative de commercialisation illégale d’une grosse défense d’éléphant, une espèce intégralement protégée par la législation togolaise et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Selon le jugement rendu publiquement et contradictoirement, le tribunal a déclaré les trois prévenus coupables de destruction et de tentative de commercialisation directe sans droit d’un trophée d’éléphant, faits commis le 5 juin 2025.
Le chasseur A. Salam, principal auteur de l’abattage de l’animal, a été condamné à 12 mois de prison dont 7 avec sursis, assortis d’une amende de 20 millions de francs CFA. Ses complices, H. Soulemane et A. Djerilou, écopent chacun de 12 mois de prison dont 9 avec sursis et de la même amende de 20 millions de francs CFA. Les trois hommes devront en outre verser solidairement 15 millions de francs CFA de dommages et intérêts à l’État togolais, considéré comme la victime du préjudice écologique.
Pour motiver sa décision, le juge s’est appuyé sur l’article 761 du nouveau code pénal togolais, qui punit la destruction et la commercialisation illégale d’espèces protégées d’une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende d’un à cinquante millions de francs CFA.

Le magistrat a également tenu à rappeler la nécessité de préserver les espèces menacées telles que l’éléphant, le pangolin ou encore certaines essences végétales comme l’iroko.
« Lorsqu’on tue ces animaux protégés, on détruit l’équilibre de l’écosystème et l’héritage des générations futures. Chacun doit contribuer à la politique de l’État visant à sauvegarder les espèces en voie d’extinction », a-t-il déclaré.
Le procureur de la République a, pour sa part, dénoncé la gravité des faits, soulignant que les trois condamnés agissaient en connaissance de cause :
« La commercialisation de l’ivoire est formellement interdite. Ces individus ont sciemment violé les lois nationales et internationales, sapant ainsi la politique nationale de protection de l’environnement. »
Un réseau de contrebande transfrontalier
L’enquête a révélé que les trois trafiquants, tous de nationalité togolaise, appartenaient à un réseau criminel bien structuré opérant entre le Ghana et le Togo. La défense d’éléphant, d’une taille imposante, provenait du Ghana. Elle a été dissimulée dans un sac de céréales avant d’être transportée à moto jusqu’à la région Centrale, puis convoyée en voiture de transport public jusqu’à Atakpamé, où la vente devait se conclure.
Lors de leur arrestation par la Brigade de Recherche et d’Investigation (BRI) d’Atakpamé, en collaboration avec le Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF) et EAGLE-Togo, les trafiquants s’apprêtaient à vendre l’ivoire pour plus de trois millions de francs CFA.
Une menace persistante sur les éléphants du Togo
Malgré les sanctions prévues par la loi, le braconnage des éléphants demeure préoccupant. Le Togo a perdu plus de 80 % de sa population d’éléphants, selon les inventaires réalisés par le WWF et ses partenaires. Ces études indiquent que les populations d’éléphants d’Afrique ont chuté de plus de 70 % en dix ans, en grande partie à cause du commerce illégal de l’ivoire.
Le WWF encourage ainsi les tribunaux togolais à maintenir une politique de tolérance zéro à l’égard des braconniers et trafiquants d’espèces protégées, considérant que seule une application rigoureuse de la loi peut freiner cette criminalité.
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime qu’il ne reste qu’environ 10 000 éléphants en Afrique de l’Ouest, dont à peine une centaine au Togo. Cette population déjà fragile est menacée non seulement par le braconnage, mais aussi par la destruction des habitats naturels due à l’expansion agricole et à l’exploitation forestière.
Une lutte nationale et internationale
Le Togo, signataire de la Convention de Washington (CITES, 1977), s’est engagé à protéger les espèces menacées. Le pays a mis en place plusieurs structures et unités spécialisées pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages. Toutefois, le territoire reste un couloir de transit pour le commerce illégal d’ivoire, de peaux de panthère et d’écailles de pangolin.
Ce trafic continue de représenter une menace majeure pour la biodiversité togolaise, compromettant les efforts de conservation entrepris par l’État et ses partenaires. La disparition progressive de ces espèces emblématiques met en péril l’équilibre des écosystèmes et le patrimoine naturel du pays.