La culture du manioc et sa consommation est véritablement brisée en Afrique et particulièrement au Cameroun. Depuis déjà quelques années la culture du manioc est l’affaire de tous mais plusieurs personnes ignorent encore les différents mets issues de cette tubercule. Ainsi pour se faire, un festival est organisé pour promouvoir le secteur envu de faire connaître ses vertus et ses dérivés aux populations.
Yvette DOUME Épouse BANLOG, Présidente de l’ONG FADEC est promotrice du Festival international du manioc. Dans un entretien, elle revient sur les grandes lignes des opportunités à saisir lors de cet événement d’envergure prévu du 11 au 16 novembre prochains à la Maison du parti de Bonanjo, à Douala.
Quels sont les objectifs et les enjeux assignés au festival international du manioc ?
Merci pour cette question qui est porteuse d’un certain nombre de réalités. En effet les enjeux sont nombreux et très délicats. Nous sommes tous témoins des conséquences du conflit Russo-Ukrainien dans le monde. Pas besoin de rappeler qu’il s’agit des 2 premiers producteurs et exportateurs de blé. Ce conflit prive ainsi, à des niveaux plus prononcés que d’autres, les autres pays du monde de la farine de blé. Il faut rappeler ici que le pain à base de farine de blé fait partir des aliments les plus consommés au monde en 2022 selon le rapport de Statista (1). C’est l’une des raisons pour lesquelles, le gouvernement a mis en place un programme d’import substitution pour contrecarrer cette insécurité alimentaire potentielle.
Le Festival ALL KASSAVA est la réponse du FADEC pour lutter contre l’insécurité alimentaire du blé. C’est donc une initiative qui va en droite ligne avec le gouvernement de la république du Cameroun. Au-delà de l’initiative de substitution du blé par le manioc sur tous les produits dérivés (farine, crêpe, gâteaux, etc…), il y a aussi l’enjeu culturel. Il y a tout un patrimoine gastronomique autour du manioc qui tant malheureusement à disparaitre à causes des habitudes alimentaires étrangères. La valorisation du manioc, permettra de rendre à nouveau tout le crédit de nos tubercules ; spécialement le manioc dans leur usage en termes de petit déjeuner, déjeuner, gouté et même diner. Et cela conduira certainement à la croissance économique. Voila en quelques mots les enjeux majeurs du festival.
Quelles opportunités à y saisir par la femme rurale, et cultivatrice de tubercules de manioc en particulier ?
Avec la réponse de la question 1 vous voyez clairement quelques éléments de réponse pour la question 2. Comme je l’ai dit précédemment, nous avons tellement embrassé les habitudes alimentaires des étrangers ; que nous avons commencé à perdre les nôtres. Et cette perte ne passe pas sans conséquence. Combien de jeunes filles aujourd’hui ont connaissance du patrimoine culinaire et gastronomique de chez nous ? Combien de jeunes filles aujourd’hui maitrisent la plupart de la vingtaine de mets à base de manioc ? (Yaourt de manioc, mitoumba, yakayaka, miondos, bobolo, etc…). Aujourd’hui lorsqu’on veut manger des mets issus de ce savoir-faire culinaire ancien de chez nous, on se dirige vers les villages car ce sont les femmes rurales qui continuent de conserver autan que possible ce patrimoine. Et il faut que cela s’arrête. C’est la femme rurale qui est au cœur même de notre festival.
Elles ont fait grandir leurs enfants qui sont devenus des cadres, des ministres pour certains mais leurs conditions n’ont pas toujours changé parce qu’on ne valorise pas leur savoir-faire. Notre festival sera orienté valorisation des savoir-faire culinaires et gastronomiques. Donc la femme rurale qui viendra démontrera son savoir-faire devant les représentants de l’organisation Africaine de la Propriété intellectuelle. Elle pourra sortir du festival avec un accompagnement sur les processus d’obtention de ses produits et un brevet qui lui donnera à vitam eternam des royalties. La femme rurale aussi, trouvera une opportunité pour écouler toute sa marchandise. C’est aussi un objectif du festival, créer une plateforme qui va regrouper les producteurs et les demandeurs (clients). Sa facilitera les échanges commerciaux. La femme rurale pourra aussi se faire accompagner par les Banques et les Assurances pour augmenter et sécuriser sa production. En bref, ce sont les femmes rurales qui ont tout à gagner dans ce festival.
Comment se porte la filière manioc au Cameroun ? Quelles ouvertures offre le Festival international du Manioc.
Elisabeth Atangana, présidente de la Plateforme Régionale des Organisations Paysannes d’Afrique Centrale (PROPAC) explique : « le manioc est une mine d’or qui peut fortement contribuer à réduire la pauvreté en Afrique subsaharienne, garantir des emplois pour les femmes et les jeunes et atténuer la dépendance excessive à l’importation agricole ». Cette assertion de Madame Atangana en dit long sur le potentiel économique du manioc.
Le Cameroun produit environ 5 millions de tonnes par an ce qui le classe 13e au rang mondial selon l’article de la Voix du paysan du 6 septembre 2022 (2). Pratiquement toutes les régions du Cameroun cultivent le manioc et les 40% sont dédiés à la consommation animale. Nous pensons que cette production peut tripler si un accent particulier est mis sur la culture du manioc. Ce qu’il faut aussi savoir c’est que tout sur le manioc est source potentielle d’économie. Les feuilles, les tiges et même les racines. Le manioc est la 2e source de production d’amidon après le maïs. Amidon recherché dans l’industrie brassicole, l’industrie textile et l’industrie pharmaceutique. Les feuilles de manioc elles par contre regorgent beaucoup de principes actifs efficace exploitables dans l’industrie cosmétique et même aussi pharmaceutique.
Les ouvertures du festival ALL KASSAVA seront simplement de mettre en lumière tous ces atouts économiques du manioc devant tous les acteurs de la chaine de valeur du manioc ; spécialement aux institutions de financement (banques, fonds d’investissements, CTD, etc..) et aux hommes d’affaires afin que cette niche soit active pour développer un nouveau segment de marché.
A quoi s’attendre lors de ce festival ?
J’aime bien cette question parce que contrairement aux festivals ordinaires, on attend tout pendant la période du festival. Or avec le nôtre, quand vous analysez déjà les réponses données précédemment, vous vous rendez compte que notre festival n’est que le début ou la phase initiale d’une cascade de projets. On ne fera pas des plateformes qui réunissent tous les acteurs de la chaine de valeur juste pour 6 jours ? On ne demandera pas les financements pour booster la production nationale de manioc pour 6 jours ? On n’établira pas des labellisations culinaires et gastronomiques juste pour 6 jours ? Je profite de l’occasion pour rappeler que le ndolè sera labéliser par l’OAPI.
Le statut est encore inconnu pour le moment mais l’avenir nous dira. C’est une initiative qui a été lancée par le MINTOUL avec l’OAPI. Et pour ce met le NGONDO a été sélectionner pour en être l’auteur. Voila des sources de financement qui naissent via la labellisation. Car si le ndolè est labelisé STG (Spécialité Traditionnelle Garantie) par l’OAPI ; toute institution hotellière voulant faire du ndolè, paiera à l’OAPI une somme financière afin d’obtenir la recette qui a été rédiger par le NGONDO. Et, l’OAPI reversera une partie pour le NGONDO reconnu comme auteur de la recette de Ndolè. C’est ce qu’on appelle les royalties. Imaginez donc un peu si pendant le festival, on insère les 20 produits dérivés du manioc pour la labellisation qui se fera après. (Fufu, water fufu, miondos, bobolo, gari, cosette de manioc, yaourt de manioc, farine de manioc, etc…). C’est un potentiel économique énorme.
Un mot de fin….
Comme mot de fin je dirais à toute la population, ne regardez plus le manioc comme avant. Il est un pole économique qui peut renverser la tendance des choses.
Avec HAURIZON NEWS